LE BOUT DU BOUT
Ouh pinèse ça sent la fin. Mais vraiment. A l'heure où on écrit, il ne nous reste que 5 jours avant de s'envoler. On vient de se rendre compte qu'on a une escale d'une journée à Madrid. Bon. Le bon côté est qu'on ne connait pas Madrid. Le mauvais côté est qu'on est chargés maintenant comme des bourriques et qu'on angoisse un peu de retrouver les prix européens.
Nous sommes donc arrivés "au bout". On a finit la montée sur la péninsule de la Guajira (prononcer Woa-i-la) au nord de la Colombie, le lieu le plus septentrional d'Amérique Latine. Après Ushuaia et un peu plus de 66 degrés de latitude (67º1' parcourus finalement) on a relié les 2 bouts du continent...et on est bien contents. La dernière nuit avant de se mettre à redescendre, on a senti tous les deux de petites boules dans le fond de la gorge, qui ne sont pas vraiment parties à l'heure où on écrit ces lignes quelques jours plus tard. On reviendra, c'est sûr, ces pays sont fascinants. Tellement simple de voyager ici avec des fréquences de bus imbattables (mais fatigant niveau transports en commun, il faut l'avouer), vraiment relax l'ambiance générale, un accueil souvent super chaleureux sinon au moins sympa et poli, aucun soucis de sécurité (pour nous), des sourires souvent, des gens qui ne râlent pas, des paysages incroyables, une histoire et une politique compliquées mais passionantes.
Le rond sur la carte, c'est le bout du bout pour nous, la péninsule de la Guarija, punèse à quelques kilométres seulement du Vénézuela...chaque chose en son temps...
La Guajira nous a fait découvrir encore une nouvelle ambiance. Si on connaissait l'Afrique on s'y serait cru, probablement, paysage de savane, pas d'eau nulle part, les femmes sont en longues robes larges et portent parfois des bassines pleines sur la tête. Un coin très isolé. On n'y vient pas en bus mais seulement jeep hyper chargée, serrés comme des boliviens. Le matin du retour à 4hoo du mat' on était 17 adultes (sans compter ceux sur le toit bien sur), 6 minipouces et quelques chèvres ! On a donc passé 2 nuits sur la péninsule, au Cabo de la Vela, ambiance petite cabane en bambou et en boue sechée, avec deux bougies (le Cabo de la Vela porte bien son nom: il n'y a pas d'électricité), deux seaux (pas d'eau courante non plus), mais cela ne pose évidemment aucun problème pour nous qui sommes de passage.
Le village est une enfilade de paillottes qui s'étend sur 2 à 3 km le long de la plage. Chacune (quasiment) propose des lits ou des hamacs et des petits plats (poissons frits, langoustes). Le village avait l'air désert, mais on a eu de la chance car la saison haute commence en décembre, et la capacité est de 600 lits (plus les hamacs!!! probablement hallucinant en haute saison). A la pointe pointe, une dernière très belle plage au pied d'un pain de sucre (Pilon de azucar) (merci aux 2 cars d'étudiants colombiens qui nous ont gentillement déposés et ramenés de la pointe). L'ambiance dans leur car nous a plutòt fait marrer: la musique à fond, tout le monde en tongues et maillot de bain, quelques bières dans le bus, un voyage d'études quoi !
La playa dorada, au pied du pain de sucre à la pointe du Cabo de la Vela
Couchers de soleil sympatoches...on avait la sensation d'être à un bout du monde, reculés de tout, enfin au bout de quelque chose...
La Guajira est peuplée en majorité par les Wayuus, des natifs qui cohabitent avec les afro-colombiens avec tout de même quelques tensions. Les gens avec qui on a discuté ont été vraiment d'une grande gentillesse et nous on dépeint leur vie ici. Encore une fois, même si on était contents d'être là et de découvrir un nouveau coin, ça nous a bien foutu le blues. Ici les gens sont livrés à eux mêmes. Pas d'électricité, pas d'eau courante, pas d'eau du tout d'ailleurs, impossibilité de cultiver des fruits et légumes, donc chaque matin à 4h, 3 quatre-quatres passent chercher ceux qui le souhaitent et partent aussi avec une liste de courses pour ceux qui ne peuvent se payer le voyage. Direction Uribia, la petite ville la plus proche à 2h de piste pour revenir ensuite avec des chargements hallucinants (on sait, on était dedans à l'aller). De grandes richesses se trouvent pourtant dans le sous sol de la Guajira: charbon, sel...mais exploitées par des entreprises américaines ou européennes. Le pire est que les salariés ne sont pas les gens d'ici. Ce sont des travailleurs qui arrivent et repartent chaque jour en avion (!) depuis les grandes villes côtières (Santa Marta, Riohacha). On marche sur la tête là aussi. Et puis le gouvernement Uribe a quelques idées pour l'avenir de ce territoire. Il souhaite, avec l'appui de grandes entreprises construire de grands complexes hôteliers. Mais les Wayuu ne sont pas vendeurs de leurs terres. Ils considèrent que le gouvernement maintient leur isolement en attendant que les territoires se libèrent petit à petit. Au niveau santé, c'est nul. Avec une santé à deux vitesses, les gens d'ici vont se faire soigner gratuitement au Vénézuela à côté.
Heureusement la chaleur humaine de ces gens et la beauté des paysages nous ont permis de dresser un tableau un peu moins triste, mais quand même...
Petit retour en arrière depuis le précédent message sur les étapes pour rejoindre la côte caraibe. Vamos!
BOGOTA, 2450 m, 8 millions d'habitants
Courte étape mais c'est une capitale où on a passé des chouettes moments. On n'était pas mécontents non plus de faire un écart vers l'Est et de quitter un peu la panaméricaine. Bien sûr, on n'a pas harpenté toute la ville, d'autant que le soir on ne peut pas dire qu'on se sentait en grande sécurité mais bon, RAS. On est plus ou moins resté dans le quartier historique de la Candelaria.
Dans une rues de la Candelaria, le centre historique de Bogota
Au musée Botero, tout est peint en...plus gros
Puis une capitale, c'est aussi souvent pour nous l'occasion de faire quelques emplettes (renouvellements de quelques affaires qui commencaient à nous faire honte), visiter quelques musées. On était dans un hotel qui brassait bien, bien roots même, avec des espagnols, des argentins, des chiliens et Lary, un péruvien avec qui on a passé les 3 jours à Bogota entre parties de tennis de table, p'tits plats cuisinés à l'hotel, un concert de guitare classique (très bon) et la visite du Monserrate (un belvédère à 3000 m).
Vue depuis le belvédère du Monserrate
MOMPOX, AMBIANCE CUBA ET ROCKINGCHAIRS
Mompox, petite ville coloniale de 42 000 habitants le long d'un bras de l'important Rio Magdalena (traverse toute la Colombie, 1550 km de long comme la Garonne, son bassin versant abrite 80% des colombiens, soyons précis).
Le nom (Mompox) vient de celui du chef de la tribu Kimbay vaincue par les espagnols en 1537. Historiquement un important port escale de voyageurs et de marchandises en transit vers l'intérieur du pays, jusqu'au 20 ème siècle où ce bras du fleuve a été trop chargé en sédiments, empechant toute navigation et provoquant le déclin de la ville. L'histoire de la ville est aussi liée à l'indépendance (Bolivar est venu plusieurs fois, notamment pour recruter 400 soldats qui l'ont aidé à gagner la bataille de Caracas en 1813-le Vénézuela n'est pas loin). Là aussi, si on était allé à Cuba (décidemment on a quelques voyages à faire encore), on dirait probablement que ça nous la rappelle.
Une chaleur étouffante, une pluie tropicale impressionante un soir (ahhh, voilà pourquoi les trottoirs faisaient 50 cm de haut, innondation immédiate), un ciel blanc aveuglant le matin et les murs à la chaux qui n'arrangent rien, des maisons coloniales magnifiques aux façades décrépies, des églises massives peintes en jaune ou en rose pâle, des cours intérieures sombres mais bordées de colonnes en bois ou en pierre, ombragées de palmiers ou d'arbres aux gigantesques racines. Le centre est patrimoine de l'humanité depuis 1995. Tu m'étonnes. Il y a aussi les chapeaux en paille à larges bords, les charettes tirèes par des chevaux. Mon (Elisa) pantalon blanc propre du matin maculé de boue au bout de 10 minutes, forcément si tu marches en tongues dans les flaques. On est dévisagés par les gens mais on s'en fout, on s'y habitue un peu depuis la côte nord de l'Equateur (on n'a pas vu de touriste ici...tant mieux) et aucun problème, dès qu'on parle les gens sont ultra chaleureux. C'est encore très pauvre mais peut-être un peu moins que San Lorenzo (nord-ouest Equateur).
Soirée papottage à Mompox avec Jose, de Carthagène, mais en ce moment à Mompox, dont on a eu le contact par Régis un ancien collègue du Smeag. Il nous apprend beaucoup sur la politique d'Uribe et sur le contexte récent. Jose a bossé à Action contre la faim, on le sent très militant et très critique sur les gouvernements, trop de gens crèvent de faim (au sens propre) alors qu'il y a du fric en Colombie. Jusqu'à présent on a eu quasi toujours le même son de cloche "maintenant on peut sortir le soir et circuler dans le pays sans risquer sa vie...". Il y avait jusqu'à très récemment dans le pays une violence et une insécurité qui a vraiment marqué et énormément fait souffir les gens. De toutes façons, on ne détaille pas mais l'intégralité de l'histoire du pays est marquée par la violence depuis le début (guerres civiles et autres). Cette politique sécuritaire actuelle est un des aspects du pays, peut-être nécessaire, difficile à dire.
En revanche sur d'autres aspects ce n'est pas encore gagné. Corruption, politique sociale très criticable semble t-il (santé et éducation payantes si tu veux une meilleure qualité, pas de réelle reconnaissance des indigènes), beaucoup d'inégalités et de misère dans le pays. On ne se permettra pas trop de juger quand même (trop tard ?!) parce que la politique en Colombie est vraiment complexe. Entre les guérillas (il n'y a pas que les Farc loin de là), les para-militaires (ces milices armées par les grands propriétaires ou les narcotraficants pour protéger leurs intérêts), les narco-trafiquants, le gouvernement et quelques très grosses entreprises étrangères, ça fait beaucoup d'acteurs dans le pays... Ce qu'on peut dire c'est que les narcos et la guérilla collaborent, les seconds assurant la securité des premiers contre une part des bénéfices. Une autre chose bien grave, c'est que la politique sécuritaire du gouvernement (lutte et tolérance zéro contre les traficants et la guérilla sont les discours officiels) permet aussi de mettre en veilleuse des conflits existants dans le pays. Il y a en Colombie des millions de gens qu'on appellent "déplacés" (3,5 millions en 2006, on n'a pas les chiffres actuels) : ce sont des gens qui fuient pour éviter les massacres des guérilleros ou des paramilitaires, virés de chez eux pour laisser la place aux cultures bien juteuses comme les palmiers à cire par exemple. Ces palmiers implantés sur d'immenses surfaces pour, entre autres, fabriquer du biodiésel ultra rentable (utilisés en cosmétique et en patisserie aussi), produisent des paysages de monocultures gigantesques induisant des désastres écologiques (pesticides) et sociaux (déplacement de milliers de gens qui se retrouvent dans des bidonvilles immondes), d'où l'entrée en piste d'ONG comme Action contre la faim. Ces cultures occupent des surfaces qui ne sont plus utilisées pour l'alimentation. Ces conflits marquent particulièrement le Choros, une énorme zone de non droit, sans route pour désenclaver les communautés, à l'Ouest du pays (sous le Panama), où les gens (en majorité des afro-colombiens) sont livrés aux paramilitaires.
Pourtant plusieurs personnes rencontrées semblent "revivre" dans leur pays. Et ils semblent contents qu'on vienne leur rendre visite. Combien nous-on demandé si tout se passait bien, si on allait dire que la Colombie est un chouette pays pour que d'autres viennent? Enormément. C'est clair que l'accueil et la disponibilité des gens pour discuter nous ont ravi. Ils sont atristés de l'image qu'a leur pays à l'étranger...
ET PUIS...CARTHAGENE, LA CAPITALE DES PIRATES
Retour sur la panaméricaine et direction plein Nord. Moment fort pour nous que d'arriver dans cette ville dont on a longtemps rêvé, et sur la côte Caraibe. Carthagène avec son histoire marquée par de sanglants épisodes de piraterie. La ville a été fondée au début du XVI ème siècle, dès l'arrivée des espagnols sur le continent. Très convoitée ensuite par les ennemis de l'Espagne, la couronne d'Angleterre, la France, la Hollande, la ville fit l'objet de très nombreux assauts de pirates soutenus par ces derniers jusqu'en 1819 date de son indépendance (fêtée cette année dans quelques semaines avec l'élection de miss Colombie. Ahhhhhh, nous n'y serons pas. Il faut dire que les femmes colombiennes sont très très très belles les gars, surtout au nord. Hum, fin de parenthèse). L'attaque la plus célèbre est sans doute celle (avec succès) de l'Angleterre par l'intermédiaire de Francis Drake en 1586. Faut dire que Carthagène regroupait les trésors aztèques pillés par les espagnols au Mexique.
Sur les murailles autour du centre historique
Le fort San Felipe dont on a visité les galeries souterraines impressionnantes qui descendent jusqu'au niveau de la mer et qui étaient remplies de poudre pour tout faire péter en cas d'attaque. Enorme.
En 1741 un amiral anglais Edward Vermon tente avec 23 000 hommes et 186 navires de pillers Carthagène mais sans succès (3 essais en un an, finalement il repart en détruisant à peu près l'ensemble du dispositif de défense). La moitié des hommes meurent au combat ou d'épidemies, des corps morts qui flottent dans la baie. La grande époque quoi! Puis il y a eu plein d'autres pirates célèbres, mais on a pas eu le temps de tout apprendre.
Carthagène est une ville touristique (tourisme de luxe notamment) mais c'est magnifique et ça a rêveillé quelques souvenirs : l'ile aux trésors, les pirates, les corsaires, barbe noir, barbe rousse, barbe verte fluo...que bueno no más !
Dans les rues du vieux centre
Enfin, quitte à revenir fauchés, on a décidé de le faire avec panache et de se payer une nuit dans un hotel un peu plus classe (pas le Ritz non plus). Et puis, m...., on s'en est payé des hôtels bien glauques pendant ces 10 mois. La vérité, c'est aussi que c'était mon cadeau de 29 ans (Elisa) non encore consommé. Que biennn! Une belle vieille maison, une chambre avec vue sur une place, la (minuscule, mais certes!) piscine sur le toit, le minibar qui va bien dans la chambre juste sous la table de nuit, un ptit dèj royal...
C'est donc bien rilax qu'on a repris la route, longeant la côte.
LA COTE CARAIBES ET LE PARC TAYRONA
En quittant Carthagène on déchante un peu. La route longe la côte il y a eu un orage terrible la veille. C'est le début de la saison des pluies (tropicales). Du coup les maisons de fortune (ou plutôt de misère ici) sont sous l'eau. Les gens souffrent d'insalubrité, de maladies liées à l'eau dégueulasse et contaminée. Vision très triste à côté de cette côte souvent si belle.
On arrive au petit village de pêcheurs de Taganga que des touristes rencontrés sur la route nous avait fortement conseillé pour rester 2, 3 semaines faire la fête, se baigner, faire de la plongée, profiter quoi. Alors là on déchante pas mal, bien naïfs sommes nous! Pas du tout aimé. Hyper touristique c'est sùr, plein de fric même et de californiennes qui viennent se faire dorer la pilule et se payer un baptème de plongée au beau milieu de rue défoncées, de maisons en tôle défoncées, bref, ici encore une grande pauvreté. Pas sûr du tout que "la misère soit moins pénible au soleil". Alors ok souvent on va dans des endroits très pauvres et qu'on ne peut pas refuser le tourisme parce qu'on est bien contents de pouvoir voyager, mais le tourisme doit permettre de faire vivre, un peu quand même, une partie de la population. Là on ne voit pas du tout les retombées positives et ça nous choque pas mal. Donc on se casse dès le lendemain. En réfléchissant, on se dit que ça fait 10 mois qu'on voit ça, alors que faire? Tu n'as qu'à pas voyager dans les pays en voie de développement, petit. Attention, tout n'est pas noir, on a visité pas mal d'endroits ou le fonctionnement semblait pas mal, avec de réelles retombées positives sur les communautés. Tout ça est compliqué. Mème si on fait un voyage long et qu'on a globalement plus le temps que des vacanciers normaux, on reste évidemment dans la case "touriste étranger de passage" et on a profité nous aussi de lieux dont le fonctionnement est scandaleux (Machu Pichu est un bel exemple). AHHHHHH....peut-être qu'il est aussi temps de rentrer, même si on ne se le dit pas.
On charge en tous cas les sacs et la route continue. Départ pour 2 nuits et 3 jours dans ce qui est, nous a-t-on dit, parmi les plus belles plages au monde (ahh, "le plus quelque chose en Amérique latine", ça faisait longtemps tiens).
Il faut marcher un peu avant de rejoindre la côte puis le cap qu'on vise pour camper...c'est un peu comme marcher 2h dans un sauna
Après avoir vu, c'est sûr que des plages comme ça, on en redemande, c'était...heu...paradisiaque pendant 3 jours.
à 25 m de notre tente
à 200 m de notre tente. Petit dèj avant 7h (il fait déjà quasiment 30 degrés, hallucinant)
Et puis c'est bien aussi de finir comme ça, tranquilles, en amoureux les pieds dans l'eau. Beaucoup de temps dans l'eau. Un peu de snorkeling et puis surtout du temps pour...ne rien faire! C'était top les randos dans les Andes mais soleil, tongues et sable de temps en temps ce n'est pas mal non plus!
La suite, c'est un trajet pour rejoindre Riohacha ville tranquille aux portes de la Guajira point le plus haut de notre voyage mais ça, on l'a déjà écrit.
On est maintenant dans la redescente sur Guayaquil. Ca sent clairement la fin, mais on a encore 2, 3 p'tits trucs à découvir. Nico joue et bosse les gammes sur son charengo. On retrouve les petits dèj dans les marchés andins.
Abrazo fuerte et suerte, chicos.
PS: on a compté 94 4L en 27 jours, pas mal non? Comment ça on ne fait que glander ici?